02/09/2025
LES DAMES DU CLUB
Une exposition de Valentine Gardiennet
Du 19 septembre au 11 décembre 2025
Vernissage le jeudi 18 septembre à 19h
Au Kiasma, 1 rue de la Crouzette, Castelnau-le-Lez
J’aime que la vie vir-virvolte autour de moi …
Le générique de la version française de la série Fifi Brindacier entonne des paroles joyeuses qui décrivent son héroïne : C’est qui la fille rebelle… Dans l’épisode 2 de cette série suédoise pour enfants, appelé « Fifi et les Dames du Club », l’héroïne est invitée pour la première fois dans la maison de Tommy et Annika, frère et sœur, et promet d’observer un comportement exemplaire de « grande dame » lors du thé organisé avec toutes les amies de la mère de ses compères ; pour se préparer à cette invitation bienséante, elle s’amuse à performer les conventions sociales du monde des adultes, en répétant cette réunion de mères au foyer dans la maison où elle vit seule depuis que ses parents ne sont plus là. Elle mime, exagère le comportement à avoir. Chez elle, Fifi a repeint les murs extérieurs façon maison de poupée excentrique, colorié les objets, inversé les règles. Valentine Gardiennet observe les caractéristiques de son monde et choisit de s’en inspirer pour cette nouvelle série de dessins réalisés cet été dans le cadre d’une résidence dans la petite ville germanique de Bad Ems, entourée de forêts et dont le patrimoine architectural constitué de jolis maisons à colombage renvoie à une sorte de décor de film qui pourrait faire se croiser Fifi et Sissi l’impératrice.
Pour ces nouvelles œuvres, Valentine décide d’approfondir son utilisation de l’encre de Chine, et en exploiter la vibrance des couleurs, la plasticité. À partir de cette première base iconographique qu’est Fifi Brindacier, Valentine s’inspire également d’une autre source d’images qui mêlent libertés d’existences et entraves, celle du monde des marionnettes, et particulièrement d’un fonds photographique conservé à la BNF, qui sont les photos de marionnettes du XXème siècle du Théâtre National de Chaillot, où les images montrent ces objets dont la nature et l’existence les obligent à être mobiles, activés, et qui ici sont forcés à poser pour en garder la mémoire. Cela produit un mélange bizarre d’expressions forcées des pantins et de la mise en exergue de leurs postures, visiblement choisies pour montrer toutes les parties du corps de ces poupées de bois.
À partir du mélange de ces deux éléments iconographiques à la fois très camp* et renvoyant au monde inversé du cirque et du spectacle, Valentine les hybride avec d’autres citations, cette fois issu des Beaux-Arts, de grands artistes en rupture punk avec l’histoire de l’art ; elle cite Philip Guston, dont les représentations figuratives et psychanalytiques ont produit une rupture avec l’abstraction qui dominait alors la peinture américaine des années 1960, montrant des objets hautement symboliques grossièrement représentés, comme des montres, des horloges, des véhicules, des chaussures… Il y a aussi Walter Swennen, dont la peinture poétique, oscillant entre « le sublime et le ridicule », à la fois « ironique et profonde » joue des énigmes de la vie et du langage. Enfin, Valentine revendique également l’influence de Nicole Eisenmann, peintre américaine qui s’amuse à croiser l’héritage de la bande dessinée et de l’expressionisme allemand. Dans les Dames du Club, Valentine Gardiennet croise elle aussi la pop culture de son temps, l’héritage grotesque du monde du spectacle, et de grands repères de la peinture figurative du XXème, pour mieux explorer la possibilité que tous ses éléments sont déjà mélangés dans nos inconscients. Pour finir, je crois que Valentine aimerait qu’on puisse appliquer cette citation du roman expérimental New York City 1979 de Kathy Acker à ses dessins et aux deux sculptures qui marquent l’entrée et la sortie de cette exposition, formant un monde parallèle qui flotte au-dessus de la salle de spectacle du Kiasma : Fulfill this quest, convoque fantasies and hallucinations. À traduire par « Accomplissez cette quête, en convoquant fantasmes et hallucinations ». Et la vie vir-virvolte autour de vous.
- Marine Lang, commissaire de l’exposition et déléguée générale de Mécènes du Sud
*L'esthétique « camp » - prononcer le p final - joue sur l'exagération, le grotesque, la provocation et l’ironie et émerge comme une forme de sensibilité importante dans la culture des années 1960 (source Wikipedia).
Biographie de Valentine Gardiennet
Née en 1997, Valentine Gardiennet est diplômée de la Villa Arson à Nice en 2020. Son travail a été exposé en France et à l’étranger, notamment à Cement-Park à Shanghai, à Waibligen en Allemagne, à art-cade* à Marseille, au centre d’art de la Villa Arson à Nice, au centre d’art Les Capucins à Embrun, au centre d’art Les Églises à Chelles, à la Tôlerie à Clermont-Ferrand et au Centre culturel Jean-Cocteau aux Lilas.
Valentine Gardiennet est dessinatrice, elle conçoit des installations de grande ampleur, empreintes de références à la pop culture, et à l’adolescence. Elle y mêle diverses techniques issues des loisirs créatifs et de l’artisanat des fêtes populaires – caractérisées par une économie de moyens et une rapidité d’exécution – comme le dessin, la céramique, le papier mâché, le plâtre, ou encore le réemploi de matériaux récupérés. En surgit un monde cartoonesque et carnavalesque, peuplé de personnages fictifs qu’elle invente ou détourne. L’artiste explore la couleur, l’humour et la caricature, des formes d’expression encore trop souvent perçues comme légères ou naïves. Elle les envisage comme des outils de subversion, pour remettre en cause les normes de genre et les hiérarchies artistiques. Oscillant entre agrandissement, rétrécissement, déformation et accumulation, ses œuvres interrogent la société avec ironie et poésie, et posent un regard critique sur nos comportements individuels et collectifs.