18/08/2025
Art-o-Rama, salon international d’art contemporain
Avec Pauline Ghersi, lauréate Mécènes du Sud Arles-Aix-Marseille 2021
Pauline Ghersi puise son imaginaire dans la production plastique et iconographique pléthorique du marketing. Avec tendresse, elle prélève les signes d'une industrie cynique et malgré nous réconfortante. Sa pratique mêle film et série, installation vidéo, sculpture et performance.
Elle met en scène des personnages tragicomiques dans des situations précaires qui défendent leur bout de gras de manière mi-attachante mi-pathétique. L’artiste joue avec les ficelles du consumérisme pris dans une fuite en avant. Chacun a droit à son pouvoir d’achat et pour l’alimenter coûte que coûte, les enseignes vernissent des marchandises low-cost à coup de suppléments d’âme. Elles utilisent le miroir grossissant des réducs, des promos, et autres ventes par lots pour stimuler les consommateur·ices. Avoir conscience de ses réels besoins, garder son libre arbitre, demande de résister dans une société des apparences. Les marques l’ont bien compris qui s’adressent à nous comme un guide intérieur : « parce que je le vaux bien », « Just Do It », « Think Different »...
Pauline Ghersi évoque, dans cette exposition à la dimension autobiographique, l’adolescence, un âge où les marques se font désirables car elles sont déterminantes pour s’intégrer socialement. Alors quand acheter des fringues griffées n’est que rarement à portée de bourse, étiquettes et emballages eux-mêmes sont fétichisés. Celle qui succombe volontiers aux tours de passe-passe de l’usine à rêve nous projette dans univers domestique éclaté, celui d’une jeune mère débordée, composant avec déménagements successifs, réalisation professionnelle et maternité. Elle nous parle d’elle, de ce sentiment de décalage voire de déclassement dans une société où la réussite a ses étalons : un couple, un travail stable, un logement spacieux, un·e enfant épanoui·e, des départs en vacances, etc. Pour cette mère artiste, à l’économie précaire, rien n’est fluide, et la mécanique domestique s’est grippée. Le linge s’entasse. Le réemploi n’est pas une option. Et cela tombe bien, les trottoirs regorgent de matériaux au rebut.
Avec l’exposition Le prix des choses, Pauline Ghersi désosse les reliefs de cette société où le progrès ne fait pas consensus, qui se rêve éthique mais se consume littéralement. Cet été 2025, dans les rues écrasées par la chaleur, la prolifération des cartons de ventilateurs ne présage rien de bon. Devant cet avenir sombre, les chantres de la réussite économique en appellent à la créativité et titrent leurs manuels : « L’innovation frugale : comment faire mieux avec moins », « Pensez comme Léonard de Vinci : Soyez imaginatifs et créatifs ». Comment l’art et les artistes peuvent-ils résister à leur récupération ? Quand la communication absorbe en temps réel toutes les tendances esthétiques, quel espace reste-t-il pour l’art ? Comment peut-il encore éveiller les consciences et participer à notre émancipation ?
Si Pauline Ghersi réussit à aborder ces sujets sensibles, intimes et politiques, sans misérabilisme, pessimisme et aigreur, c’est parce qu’elle tourne en dérision son quotidien. Ce dont elle paie le prix, c’est d’avoir choisi d’être artiste. Certes, ce qui ne paie pas coûte, mais après tout, rêver n’a pas de prix…
Texte : Bénédicte Chevallier
Pauline Ghersi [1989, FR] vit et travaille à Nîmes.
INFORMATIONS PRATIQUES
Art-o-Rama
Stand Mécènes du Sud
Studio
Friche la Belle de Mai
41 rue Jobin
13003 Marseille
FAIR
Vendredi 29 août · Friday, August 29, 2025 Preview
11 h - 17 h · 11.00 am - 5.00 pm
Vernissage · Opening
17 h - 21 h · 5.00 - 09.00 pm
30 août - 31 août · August 30 - August 31, 2025
Salon · Fair
14 h - 19 h · 02.00 - 7.00 pm