09/07/2024
20 ans ça se fête !
Art-o-Rama, salon international d’art contemporain
Avec Yann Serandour, lauréat Mécènes du Sud Arles-Aix-Marseille 2015
Yann Serandour s’intéresse aux questions de transmission et de reproduction dans le domaine de l’art. Prenant leurs sources dans l’histoire de l’art conceptuel, ses projets des dix dernières années ont pu traiter de botanique, plus précisément de la culture domestique des cactus, d’histoire de la musique à travers la renaissance du clavecin au 20e siècle, ou encore de cynologie. Il se penche sur la manière dont les contenus dont nous héritons ont été sélectionnés et hiérarchisés par d’autres, par quels chemins d’autorité ces informations ont été tamisées, et lesquelles ont été perdues.
La transmission, véritable traversée du temps, est indissociable de la reproduction. Yann Serandour explore cet espace de transit, qu’il prenne forme dans la collection, ou la documentation, une manière à ses yeux d’occuper les marges de l’art. Les récits qui en font l’archive et plus précisément, les faits, les événements, dénichés ou exhumés, constituent sa matière. Accidents, ruptures, impensés déclenchent des amorces narratives. Il trouve dans ces solutions de continuité la condition d’une appropriation, qui ouvre la possibilité de relectures, de retournements, de réinterprétations, et plus largement de réponses. Ses œuvres, interventions, installations, ou éditions, fonctionnent comme des prolongements qui mettent au jour récits et sujets des récits. À l’autorité de l’historien, Yann Serandour préfère la dérive, dans laquelle l’incontrôlable et l’incertain font figure de boussole.
Le travail avec Mécènes du Sud a pris la forme d’un échange pour comprendre les « paramètres de l’invitation », comme il dit. La célébration des 20 ans de l’association, celle qui distribue l’argent et le contexte d’une foire d’art contemporain, symbole de la dépense, en posaient les bases. La relation de mécénat a soulevé la question des représentations stéréotypées qu’il véhicule. Mais de quoi parle-t-on ? Le mécénat est-il un statut, un profil, une pratique ? Que permet d’engager le mécénat d’entreprise ?
Parallèlement, les mécènes échafaudaient un plan depuis plusieurs mois pour se signaler de manière spectaculaire à la Friche Belle de Mai, sur le site d’Art-O-Rama. Ils s’étaient arrêtés sur un container jaune, la couleur de l’association, pour attirer l’attention et attiser la curiosité sur leur démarche philanthropique. Yann Serandour s’est interrogé sur les représentations que le container charrie. Il s’est intéressé à la dimension collective de Mécènes du Sud, ainsi que sur les compétences, savoir-faire et réseaux, que des membres ont agrégé pour faire aboutir leur projet. Il a jumelé le sien en transposant le container à la seule aide des rails et du placo prévus pour la construction du stand. Il a collecté des grues miniatures dont la force, par l’addition des échelles, pourrait soulever ce container. Jouant de l’économie du projet, Yann Serandour pose notre attention non pas sur ce qui est produit mais sur ce que « ça » produit. « Ça », cette invitation, cet échange, le travail qui s’est engagé.
Avec malice, il traduit la figure du mécène dans un jouet. C’est encore du côté des enfants qu’il tire le titre de l’installation, The gift of nothing, un livre best-seller pour enfants de Patrick McDonnell. Dans cette histoire le chat Mooch cherche désespérément un cadeau pour son meilleur ami Earl qui a tout. Il ne reste donc que « rien » à lui offrir… Commence la quête difficile de « rien ». Il finit par mettre « rien » dans une petite boîte puis une plus grande, parce que son ami mérite mieux. L’amitié triomphe. C’est elle qu’incarne ce cadeau immatériel. Cette idée du don pour le don renverse l’idée d’un mécénat intéressé qui permet d’affirmer son pouvoir. Pour autant, le don active une forme de réciprocité avec la création d’un lien. Il se matérialise ici par l’intervention tardive de Yann Serandour sur le container, après un échange avec les mécènes. Les formes noires, sortes d’ombres chinoises de potentielles marchandises en transit, sont les éléments graphiques du logo de Mécènes du Sud en désordre. The gift fonctionne comme un commentaire à-même le container.
Cette introspection dans la mécanique de Mécènes du Sud met en lumière ses fondamentaux depuis 20 ans : levée de moyens financiers, force du collectif, objectifs partagés, désintéressement, et désir de créer des liens. En nous renvoyant la balle, Yann Serandour a ouvert un espace au sein duquel vous êtes invité·es à nous rencontrer.
Yann Serandour [FR, 1974] Lauréat 2015
Son travail a été exposé au Parc Saint Léger à Pougues-les-Eaux, au CNEAI à Chatou, au Palazzo Fortuny à Venise, à Arts Santa Mònica à Barcelone, au Palais de Tokyo à Paris au CCA Wattis à San Francisco, entre autres. Nomminé au Prix Ricard en 2006, au Prix Meurice en 2018 et au Prix Bob Calle du livre d’artiste en 2023.
The Gift
Art-o-Rama
Stand Mécènes du Sud
Section design & édition
Friche la Belle de Mai
41 rue Jobin
13003 Marseille
Vendredi 30 août · Friday, August 30, 2024 Preview
11 h - 17 h · 11.00 am - 5.00 pm
Vernissage · Opening
17 h - 21 h · 5.00 - 09.00 pm
31 août - 01 sept · August 31 - September 01, 2024
Salon · Fair
14 h - 19 h · 02.00 - 7.00 pm