10/03/2010
L’engagement du monde économique pour Marseille Provence 2013
''Je dirige une compagnie maritime et dès le début de cette candidature, je me suis mobilisé, en particulier en conduisant une délégation de chefs d’entreprises. Bernard Latarjet était déjà présent, je l’ai accompagné à Bruxelles pour témoigner de l’engagement du monde de l’économie sur ce grand rendez-vous.
Précédemment, nos concitoyens territoriaux ont mis leurs espoirs dans des événements sportifs afin qu’on parle de nous. Je suis convaincu que le thème de la culture est beaucoup plus propice et beaucoup plus adapté aux provençaux pour montrer ce qu’on est capable de faire. A Bruxelles, bien sûr, on a témoigné de ce thème traditionnel, de tout ce qu’on peut attendre, comme l’amélioration de l’attractivité du territoire et, en particulier, son orientation culturelle.
Je pense qu’on a beaucoup marqué nos interlocuteurs du Parlement et de la Commission en posant comme projet principal de la candidature, les ateliers de la Méditerranée. Ils allaient beaucoup plus loin que l’amélioration de l’attractivité du territoire puisqu’ils avaient la volonté de le transformer profondément, durablement, en montrant la capacité d’accueillir l’artiste et de transformer, par la culture, par l’art, le processus d’innovation dans chacune de nos entreprises. Il faut dire qu’ils se rendent compte un peu, à Bruxelles, que les rendez vous qu’ils ont eu avec l’opinion sur le thème de l’économie ont été un peu manqués. Trop d’exigences en termes de performance économique ne fait pas rêver nos concitoyens alors qu’on a une équipe formidable à Bruxelles avec certains outils culturels. Les jeunes connaissent bien Erasmus mais nos concitoyens connaissent moins bien les dispositifs mis en place par la Commission et le Parlement pour améliorer les échanges interculturels, favoriser la culture comme facteur de transformation de ce grand territoire, y compris dans sa promotion et sa diplomatie à l’étranger, ce qui de mon point de vue n’est jamais bien utilisé. C’était en avril 2007. Ensuite, nous avons reçu le jury qui nous a rappelé cet engagement. Un engagement qui exige du monde économique un soutien constant à l’association Marseille-Provence 2013, au directeur. Je pense que le monde de l’économie sera fidèle à cet engagement et nous sommes très désireux de participer à ces ateliers.''
Accueil d'un projet artistique soutenu par Mécènes du Sud
''J’en viens à ma contribution personnelle dans cette affaire. Je fais partie d’une association de chefs d’entreprise, Mécènes du Sud. Mon entreprise est dans le maritime, c’est une PME. Je considère que tout seul, je n’ai pas de moyens suffisants, pas tellement financiers d’ailleurs, pour mener une politique de mécénat. Donc, très vite, j’ai considéré qu’une dimension collective correspondait mieux à notre taille, à notre ambition. Mécènes du Sud apporte des contributions financières à des lauréats avec un comité artistique qui réunit des professionnels de l'art et un des membres de notre association, c'est à dire des hommes et des femmes qui connaissent bien mieux que nous le sujet.
Parmi les lauréates 2008, il y avait Marie Reinert, plasticienne de 35 ans, française vivant et travaillant à Berlin. J’aurais préféré qu’elle soit là pour vous dire ce qu’elle fait, j’apprécie beaucoup son travail. Elle est plasticienne ; son support préféré, je pense, est la vidéo mais ça aboutit très souvent à des performances et des installations. Son mode de travail, c’est une immersion dans le milieu. Elle a été tout à fait enthousiaste de pouvoir entrer dans le monde de l’entreprise qu’elle considérait comme un peu inaccessible. Par hasard, le projet qu’elle a déposé auprès de Mécènes du Sud, s’appelait «Roll-On, Roll-Off». Dans mon métier, dans mon jargon maritime, le roro ou Roll-On, Roll-Off est un navire à manutention horizontale particulièrement adapté à l’activité méditerranéenne. Il se trouve que je possède de tels bateaux qui font Alger-Marseille toutes les semaines et le projet qu’elle a déposé aux mécènes, c’était celui-ci, que nous avons donc naturellement accueilli. Il consiste à traduire artistiquement cette problématique du port, de la rencontre de la marchandise avec les navires, et de la Méditerranée.
J’ai toujours eu des artistes dans l’entreprise, mais jusqu’à présent, ils étaient beaucoup plus motivés par le côté un peu exotique de mon métier ; certains par la dimension aventure. Peu m’avaient présenté un projet aussi impliqué dans l’entreprise, avec la volonté de faire une résidence de longue durée. Marie est dans l’entreprise depuis un an et demi, par périodes de résidence. Ça a commencé par une immersion dans les services : elle voulait tout savoir de nos activités. Je lui ai donc apporté du soutien.''
La pertinence d'une présence artistique dans l’entreprise
''Je pense que chacun peut développer des comportements un peu conservateurs dans sa façon de travailler mais une relation avec un artiste, parce qu’il est artiste et parce qu’il est de l’extérieur, peut amener chacun de nous à regarder différemment. D’abord, en nous interrogeant nous-mêmes, sur notre propre relation à l’art et sur notre propre créativité, notre capacité d’innovation. Voilà, c’est tout ça qui est en œuvre dans l’entreprise. Marie Reinert apporte un regard. Le monde maritime, c’est quand même un monde avec une certaine rugosité, la rencontre entre le navire et le port, ça se fait dans des lieux qui ont des traditions un peu conflictuelles. C’est d'ailleurs normal, car au moment où le navire arrive dans le port, il y a une espèce d’assaut de plusieurs professions qui arrivent en même temps et ça crée quelques rugosités. Nous, dans le monde maritime, dans le monde de l’entreprise, dans mon entreprise, notre façon de pensée est très liée au déplacement de la marchandise, on a une pensée, un plan chronologique. L’artiste apporte un regard qui n’a rien à voir avec notre approche, je parle ici plus particulièrement du lieu portuaire. C’est cette relation là qui est extrêmement bénéfique pour chacun d’entre nous.
On a donc organisé plusieurs rencontres entre l’artiste et l’ensemble des salariés, d’habitude elle n'en voit que quelques uns, elle voit les marins. Elle a déjà fait 3 ou 4 traversées sur le Niolon pour aller à Alger, elle a travaillé bien sûr dans le service Maghreb et on a organisé plusieurs réunions dans des lieux autres que l’entreprise. Le premier au collège Izzo, le deuxième au FRAC, pour que les salariés puissent développer cet échange avec elle.''
Un encouragement aux entreprises
''Pour les chefs d’entreprise qui sont dans la salle, je voudrais un peu dédramatiser la dimension trop importante que vous pourriez mettre sur ce projet ; il n’y a pas de critère de taille, on peut être une petite entreprise comme une grande, on peut accueillir un petit projet comme un grand projet, on peut accueillir un romancier comme une troupe de théâtre, et c’est pareil pour les moyens.
Il y a quelques précautions à prendre : il faut se faire accompagner, donner beaucoup d’importance à la fonction de médiateur, à quelqu’un de compétent, dans ce rapprochement entre l’artiste et l’entreprise. Quelqu'un qui pourra aider l’un et l’autre à éviter tous les malentendus.
Le reste, il est écrit dans un document, le document a obligatoirement une espèce de cadre rationnel. C’est assez contradictoire qu’on ait une exigence de rationalité pour accueillir un artiste, dont la vocation va être de nous remuer dans l’entreprise !''
__Intervention de Raymond Vidil, directeur de la société Marfret dans le cadre de la rencontre informelle avec l’équipe de Marseille Provence 2013 sur les Ateliers de l'Euroméditerranée Friche la Belle de Mai, mardi 9 mars 2010.__