06/05/2020
No man is an island
Conditions d’une résidence confinée en entreprise
Alors que l’artiste Gilles Pourtier (lauréat et Prix Coup de Cœur 2017) entamait le 17 mars 2020 une résidence dans l’agence d’architecture Carta-Associés, le confinement était imposé par les autorités et le télétravail devenait la règle pour ses salariés.
Un tel projet devait-il être annulé, emporté par des inquiétudes économiques légitimes ? Être reporté pour garder le sens de sa nature contextuelle ? Ni l’un, ni l’autre puisqu’entreprise et artiste ont estimé que l’esprit expérimental des résidences en entreprises était propice à la poursuite de leur collaboration dont l’isolement serait une dimension cardinale.
Roland Carta avait rencontré Gilles Pourtier pour la première fois dans le contexte d’une édition soutenue par Mécènes du Sud. Elle concluait une résidence au sein de l’hôpital psychiatrique Montperrin et son centre d’art 3 bis f. Ce travail avait naturellement exploré les questions de contrainte et d’enfermement, laissant imaginer un prolongement inspirant.
Cette situation présentait toutefois deux difficultés. La première, intrinsèque au travail de Gilles Pourtier, était liée à la transparence du point de vue : l’impossibilité d’une confrontation pouvait être considérée comme un risque artistique. La seconde étant celle du sujet, en l’absence d’immersion dans l’activité de l’entreprise. Aux yeux de l’architecte, la distance ne faisait pas obstacle. Ériger des limites, n’est-il pas le propre de son métier ? Séparer, diviser, espaces privés et publics, en délimiter les usages et les fonctions…
C’est avec un poème de John Donne que Gilles Pourtier a amorcé sa recherche : No man is an island. Une inspiration peu surprenante au regard de sa pratique, lui qui n’échafaude pas ses projets, mais les bâtit, cherche dans le langage sa première pierre et dans la littérature un matériau. Personne n’est une île nous parle d’interrelation et de condition humaine. Mais aussi de la ville, des îlots dont les strates historiques sont profondes, invisibles, soustraites au premier regard. Et d’archéologie de la forme il est question dans ce travail de résidence, à l’atelier, où les rebuts d’une sculpture géométrique, présentée en 2018 par Isabelle et Roland Carta constituent le point de départ d’une nouvelle exploration formelle. Comme toujours, Gilles Pourtier multiplie les intrigues, par un jeu d’aller-retour entre échelles, dimensions 2D et 3D, et matière. En complexifiant les représentations de cette forme, il nous rappelle qu’aucune n’est univoque.